Cinquième étude sur les conditions de travail des employés : plus de repères pour attirer et retenir la main-d’œuvre
Divers •Une entreprise sur trois en production agricole embauche de la main-d’œuvre non familiale. Pour cette cinquième édition de son étude, AGRIcarrières a cherché à documenter les conditions de travail de douze fonctions principales des secteurs laitier, porcin, serricole et avicole. Le métier d’opérateur de machinerie agricole présent dans plusieurs productions agricoles constitue un treizième poste visé par l’enquête.
Méthode
AGRIcarrières a pu compter sur l’aide financière de la Commission des partenaires du marché du travail et des groupes spécialisés concernés afin de mandater la firme AGÉCO pour la réalisation de ce projet. Celle-ci a sondé, par le biais d’une enquête téléphonique et web, les conditions de travail de 974 employés agricoles sans lien familial avec les propriétaires de la ferme et travaillant à temps plein1 dans 741 entreprises agricoles québécoises.L’étude vise à compenser le manque de données précises issues de Statistique Canada pour les postes stratégiques et à permettre aux entreprises d’être compétitives pour attirer et retenir leurs employés clés.
1 Un employé à temps plein est une personne sans lien familial avec le propriétaire de la ferme à laquelle le producteur agricole verse un salaire, et qui travaille au moins 30 heures par semaine pendant au moins 40 semaines par année.

Les repères de postes des différents secteurs
AGRIcarrières s’active particulièrement à appuyer le développement des emplois et des compétences du secteur agricole. Les principaux postes mis en évidence dans les études précédentes sont les suivants : gérant, ouvrier spécialisé et manœuvre. La valorisation des professions et de la formation professionnelle ainsi que le développement de profils par compétences influencent depuis deux décennies l’évolution des postes du secteur. Par exemple, le développement d’ouvriers spécialisés par des programmes d’études ou des programmes d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) devrait normalement être reconnu dans la structure d’emploi et les conditions de travail. Les postes de manœuvres et de gérants se juxtaposent par rapport à l’ouvrier spécialisé. Les répondants ont été appelés à mieux distinguer ces différents postes. Le tableau suivant présente la répartition des tâches entre les postes.
La structure des emplois de l’enquête suit la même logique pour les quatre sous-secteurs (voir le rapport complet pour plus de précisions).
Profil des employeurs, emplois et conditions de travail du secteur laitier
La taille moyenne des 299 entreprises laitières qui emploient de la main-d’œuvre non familiale à temps plein ayant participé à l’étude s’établit à 93 vaches en lactation. L’étude met en évidence que la taille des entreprises participantes est supérieure à celle de la moyenne de l’ensemble des fermes laitières avec ou sans employés du Québec, qui est de près de 65 vaches laitières.Quant au nombre d’employés à temps plein, les entreprises ont déclaré en moyenne 2,9 employés sans lien familial avec les propriétaires de la ferme, dont 1,7 employé à temps plein, ce qui équivaut à 61 %.
En 2017, le gérant de ferme laitière a reçu en moyenne 16,99 $/h, l’ouvrier en production laitière 15,89 $/h, et le manœuvre 14,71 $/h. Les gérants de fermes laitières travaillent en moyenne 50 h, soit plus que la moyenne des autres employés (40-45 h). Les heures coupées sont une pratique assez fréquente, en particulier pour les manœuvres. La présence au travail une fin de semaine sur deux demeure courante dans le secteur.
De manière générale, la rémunération additionnelle pour compenser différents aspects comme le travail de fin de semaine, les heures supplémentaires ou le rendement est peu répandue. Le versement d’un bonus de fin d’année est plus courant; en 2017, une entreprise sur quatre a versé ce type de rémunération additionnelle. Concernant les avantages sociaux, c’est la pratique du don en nature qui ressort le plus souvent (environ 50 % des entreprises et des postes), suivie des jours de maladie payés (25 %), des repas et du logement (15 %). Les régimes d’assurance (salaire, maladie, vie) sont plutôt rares.
Profil des employeurs, emplois et conditions de travail du secteur porcin
La répartition des entreprises porcines employant de la main-d’œuvre non familiale à temps plein était sensiblement la même en 2017 qu’elle l’était en 2014. Voici la répartition des entreprises selon le type de production : 21,3 % sont de type naisseur et 26,5 % de type finisseur, alors que la moitié combinent les deux volets de production.Par ailleurs, si on examine le cheptel des entreprises porcines rejointes par l’étude, près de 42 % disposent de moins de 500 truies, tandis que 58 % en comptent davantage.
En 2017, le gérant de ferme porcine a reçu en moyenne 20,77 $/h, l’ouvrier en production porcine 17,34 $/h, et le manœuvre 15,20 $/h. L’évolution du salaire horaire des gérants et des ouvriers a été normale depuis l’étude de 2014, soit un peu supérieure à l’indice du coût de la vie. Le nombre d’heures est demeuré relativement stable entre 2014 et 2017, la moyenne étant de 42,7 h pour les gérants, 40,6 h pour les ouvriers et 41,1 h chez les manœuvres. L’étude souligne que l’aménagement du travail de fin de semaine demeure un enjeu pour le secteur. Les entreprises accordent trois semaines de vacances à 70 % des gérants, 44 % des ouvriers et 30 % des manœuvres.
Environ 30 % des gérants et ouvriers reçoivent une prime additionnelle ou un bonus de fin d’année en lien avec le rendement. Du côté des avantages sociaux, le secteur se démarque par certaines assurances telles salaire, maladie et vie, principalement pour les gérants (environ un cinquième des répondants), qui se positionnent mieux que les autres à cet égard. Outre les assurances, les jours de maladie payés, les dons en nature (presque une entreprise sur deux) et les logements fournis sont plus populaires chez les ouvriers et les manœuvres. Enfin, plus de la moitié des entreprises porcines ayant répondu à l’enquête prévoyaient en 2018 des hausses de salaires évaluées à environ 2 %.
Profil des employeurs, emplois et conditions de travail du secteur avicole
La répartition des 72 entreprises avicoles qui embauchaient de la main-d’œuvre familiale à temps plein en 2017 était celle-ci : 40 producteurs de volaille, 22 producteurs d’œufs de consommation et 10 producteurs d’œufs d’incubation.Les entreprises avicoles qui embauchent de la main-d’œuvre supplémentaire ont déclaré en moyenne 2,8 employés sans lien familial avec les propriétaires de la ferme, dont 2,2 employés sont à temps plein (77 %). De ces entreprises, 70 % embauchent trois personnes ou moins, tandis que 36 % des entreprises avicoles embauchent un gérant à temps plein.
En 2017, le gérant de troupeau d’une entreprise avicole a reçu en moyenne 21,57 $/h, l’ouvrier en production avicole 17,44 $/h, et le manœuvre 15,56 $/h.
Près du quart des gérants prennent deux semaines de vacances et environ les trois quarts sont en vacances trois semaines ou plus. Ce sont 55 % des ouvriers en production avicole qui peuvent planifier deux semaines de vacances, et 45 % trois semaines ou plus. Les deux tiers des manœuvres sont en vacances pendant deux semaines consécutives, et près d’un manœuvre sur trois pendant trois semaines consécutives.
Profil des employeurs, emplois et conditions de travail du secteur serricole
Parmi les 64 entreprises serricoles répondantes en 2017, 59 % sont uniquement ou principalement orientées vers la production d’horticulture ornementale et 41 % vers la production de légumes en serre. Près de 29 % de ces entreprises possèdent moins de 20 000 pi2 de serres, et 40 % ont déclaré entre 20 000 pi2 et 60 000 pi2; 12,5 % cultivent en serre une superficie de plus de 300 000 pi2. Concernant le chiffre d’affaires, près de 53 % des entreprises qui emploient de la main-d’œuvre non familiale à temps plein ont dit réaliser un chiffre d’affaires de 650 000 $ et plus.2Les producteurs en serre ont versé en moyenne 20,24 $/h aux gérants de production, 15,08 $/h aux ouvriers, et 12,90 $/h aux manœuvres. Ce type de production exige peu de travail pendant la fin de semaine. Environ le quart des gérants de production et le tiers des ouvriers et des manœuvres ne travaillent pas durant les jours fériés. La rémunération additionnelle pour les heures supplémentaires est par ailleurs une pratique en vigueur dans le secteur.
2 Il est à noter que les données du secteur de 2014 et 2017 ont été influencées par un plus grand nombre de répondants de petites serres et moins de répondants issus de grandes serres. Consulter l’étude pour plus de précisions.
Profil des entreprises embauchant des opérateurs de machinerie
L’étude de 2017 a permis de dresser le profil de 161 entreprises qui embauchent de la main-d’œuvre non familiale occupant des postes d’opérateurs de machinerie :- 59 entreprises de grandes cultures
- 31 entreprises de pommes de terre
- 54 entreprises maraîchères
- 17 entreprises de bovins de boucherie
Le taux horaire moyen des opérateurs des quatre secteurs était de 16,97 $/h avec un écart-type de 3,55 $. Le taux horaire moyen était plus élevé dans le secteur des grandes cultures avec 17,59 $/h, et un peu moindre dans le secteur maraîcher à 16,31 $/h. Le nombre d’heures travaillées était en moyenne de 40 à 45 h par semaine. Concernant les vacances annuelles, près de 40 % des opérateurs bénéficient de deux semaines alors que le quart disposent de trois semaines. Les opérateurs de machinerie peuvent avoir à œuvrer la fin de semaine selon les besoins en matière de production. Les avantages sociaux les plus présents sont les dons de produits agricoles, les jours de maladie payés et l’offre de repas. Le bonus de fin d’année est courant pour environ 30 % des entreprises.
Gestion des ressources humaines
Globalement, l’enquête a notamment démontré que la gestion des ressources humaines est encore peu formalisée (organisée formellement avec tous les outils). Toutefois, l’évaluation de la performance est la pratique la plus courante (65 %) et 60 % des répondants se sont dits familiers avec le Programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT). Rappelons que près de 2 000 ouvriers en production laitière, porcine ou serricole ont été certifiés depuis sa mise en vigueur en 2007.La rareté de main-d’œuvre locale appelle de nouvelles solutions
Au cours des dernières années, le phénomène de la rareté de la main-d’œuvre annoncé depuis longtemps s’est concrétisé, en particulier en 2018 en raison de facteurs combinés (démographie, croissance soutenue de l’économie, taux de chômage bas, etc.). Durant les deux dernières années, près de la moitié des producteurs de lait et de porcs qui embauchent de la main-d’œuvre à temps plein ont vu des employés quitter l’entreprise; dans les productions en serre, cette proportion a atteint 80 %. Par contre, le départ de travailleurs occupant des postes d’opérateurs de machinerie ne semble pas vraiment être un enjeu pour les producteurs qui en embauchent. Une grande proportion des producteurs prévoient que le recrutement de travailleurs locaux sera difficile. Le recrutement de travailleurs étrangers temporaires est envisagé par davantage d’entreprises.Conclusion
Plus que jamais dans un contexte de rareté, les employeurs agricoles doivent se préoccuper d’offrir des conditions permettant d’attirer et retenir en particulier leurs employés les plus compétents et engagés. La main-d’œuvre locale demeure une option intéressante. Ce sont près de 400 postes d’ouvriers qui ont été pourvus par les Centres d’emploi agricole (CEA) en 2017. La stabilité des opérateurs de machinerie agricole est à l’avantage des secteurs; toutefois, la concurrence des autres secteurs économiques posera un défi de les retenir. Le nouveau PAMT et des conditions de travail compétitives sont des solutions à ne pas négliger.Par ailleurs, dans un contexte de rareté accrue de la main-d’œuvre, AGRIcarrières et ses partenaires devront poursuivre leurs efforts de sensibilisation auprès des entreprises quant aux éléments attractifs des conditions de travail devant être mis de l’avant pour recruter les travailleurs. Pour qu’elles demeurent compétitives face aux autres secteurs, les actions visant à outiller davantage d’entreprises dans leurs pratiques de gestion des ressources humaines seront toujours importantes.
Pour plus de détails, il est possible de télécharger l’étude sur le site d’AGRIcarrières.
Robert Ouellet, CRIA
Coordonnateur à l’emploi agricole AGRIcarrières