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La semaine verte : entrevue avec France Beaudoin

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Pour cette édition, l’équipe de l’Agri-Nouvelles a eu le plaisir d’interviewer Mme France Beaudoin, animatrice de l’émission La semaine verte. Celle-ci remplace Mme Catherine Mercier pour quelques mois. Très facile d’approche, et plus que généreuse dans ses réponses, France nous livre des détails intéressants sur ses choix de carrière, ses habitudes de consommation, ses perceptions envers le monde agricole et plus encore ! Nous vous souhaitons une bonne lecture !
 

QUEL ÉTAIT L’OBJECTIF PRINCIPAL LORS DE LA CRÉATION DE L’ÉMISSION ? EST-CE QUE LA SEMAINE VERTE A UNE MISSION EN PARTICULIER ?

Au tout début, l’émission La semaine verte était à vocation agricole. Celle-ci était la vitrine agricole pour le monde rural au Québec et au Canada. Par contre, au fil du temps, après 46 ans en ondes, la première diffusion remonte en 1971, l’émission a évolué avec le temps et nous avons élargi sa mission. Maintenant, cela va au-delà de l’agriculture. On s’intéresse, oui, à l’agriculture, à l’agroalimentaire, mais on se penche aussi sur la foresterie, les pêches, la gestion de la faune et les préoccupations environnementales. Cela fait partie de notre mandat. Nous suivons l’actualité du monde rural, mais nous nous adressons à l’ensemble de la population. C’est toute la population qui est curieuse et qui désire savoir comment sont produits les aliments que nous consommons. Tout le monde s’intéresse à la sauvegarde de l’environnement, aux ressources naturelles; cela nous interpelle.

Nous nous sommes ouvert aussi un peu plus sur le monde. Nous avons instauré le nouveau volet Planète verte avec l’arrivée de l’animatrice Mme Catherine Mercier à la barre de l’émission, Nous nous permettons d’aller voir les façons de faire ailleurs dans le monde, de voir aussi comment ce qui est fait ailleurs peut avoir des conséquences positives ou négatives chez nous, d’examiner les différents modes de production.
 

COMMENT LES SÉLECTIONS DES REPORTAGES SONT-ELLES EFFECTUÉES ?

À la base, nous avons quelques journalistes à l’émission qui sont vraiment spécialisés. Un des journalistes est spécialisé en agronomie, un autre est biologiste. Ces collègues sont très au fait des enjeux dans leur domaine respectif. Les autres journalistes sont des généralistes, mais nous avons des antennes dans plusieurs secteurs. Nous avons développé des contacts. Ils nous tiennent informés; ils nous mettent sur des pistes de reportages. Il y a aussi dans l’actualité des dossiers qui s’imposent. Ils deviennent des incontournables. Il y a des sujets qui sont tendance et qui reviennent beaucoup dans l’actualité. Alors, nous allons nous intéresser à ceux-ci. Mais, l’idée avec La semaine verte, c’est d’aller plus loin que ce que nous pouvons lire ou entendre dans les bulletins de nouvelles. Aller voir les deux côtés de la médaille, provoquer la réflexion, analyser en profondeur ces dossiers-là. Il y a aussi les téléspectateurs qui nous font des suggestions. Celles-ci nous servent également pour le choix de nos reportages. Les spectateurs ont souvent des idées très intéressantes, alors nous effectuons avec plaisir le suivi avec eux.
 

D’APRÈS VOUS, QUELS SONT LES ENJEUX MAJEURS RELIÉS À LA PLANÈTE AUXQUELS NOS AGRICULTEURS DEVRONT FAIRE FACE DANS LES PROCHAINES ANNÉES ?

Eh bien, c’est intéressant que tu parles de la planète, car je trouve que la mondialisation est vraiment un enjeu très, très, très important. Il y a quelque temps, je me suis intéressée, par exemple, à l’accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne. Rapidement, nous avons pu remarquer que cela fait peur aux producteurs laitiers ou fromagers d’ici, d’ailleurs au Canada et également en Europe. Il y a aussi des producteurs dans d’autres secteurs qui ont peur de ça. La libéralisation, ça peut faire peur. Mais, cela peut aussi être intéressant de représenter de belles occasions de développement pour certains secteurs de l’agriculture. Il y a de moins en moins de barrières et les produits agricoles voyagent partout dans le monde. Cela fait en sorte que la concurrence est toujours de plus en plus grande. De plus, les producteurs ne concurrencent pas tous de façon égale.

Quand nous regardons ailleurs, il est possible de constater que les exigences environnementales et les produits chimiques utilisés ne sont pas les mêmes partout. Alors, je pense que cette réalité est un gros morceau pour les producteurs de chez nous. Il y a aussi les changements climatiques. Ceux-ci peuvent faire en sorte de prolonger les saisons de production, mais cela peut aussi vouloir dire que nous allons avoir des étés plus chauds, plus de sécheresses, plus d’insectes, plus de maladies ! Je crois que cela va aussi beaucoup transformer l’agriculture… Il y a la problématique de la valeur des terres agricoles. Celle-ci augmente beaucoup. L’accès aux terres agricoles devient de plus en plus difficile. Nous remarquons aussi que les agriculteurs font concurrence avec de grands groupes financiers. Cela change la donne pour le monde agricole. Plus que jamais, je pense que nous sommes dans les grandes questions de l’environnement, du respect de l’animal et du bien-être animal, ce dernier est un thème qui revient et sera de plus en plus présent.

J’aborderais aussi la difficulté à avoir de la main-d’oeuvre locale en milieu agricole. J’entends parler de cette réalité depuis dix ans déjà et, malheureusement, on dirait que ce problème est de plus en plus présent et ne cesse de croître. Une dernière chose qui me frappe, c’est que nous réalisons que l’agriculture est de plus en plus intensive. Nous parlons souvent du modèle de la ferme familiale. Mais, il reste que nos fermes grossissent. Nous sommes dans une ère où l’agriculture est davantage industrielle. J’ai l’impression que pour quelqu’un qui veut développer une production de créneau, une agriculture de créneau ou un produit de niche, cela n’est vraiment pas évident aujourd’hui. Il faut être déterminé. Les structures ne sont peut-être pas encore adéquates ou idéales pour aider ces producteurs qui veulent développer une petite agriculture.
 

LA SEMAINE VERTE A-T-ELLE VU SON TYPE D’AUDITOIRE VARIER AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES ? PAR EXEMPLE, PLUS D’ÉCOUTE SUR LE WEB QU’EN DIRECT ? Y A-T-IL UN ACCROISSEMENT AU NIVEAU DE L’AUDITOIRE DES JEUNES DE LA RELÈVE ?

Nous n’avons pas d’information précise sur l’âge de l’auditoire. Ce que nous entendons et ce que les gens nous partagent quand nous sommes sur le terrain c’est que l’émission rejoint encore les jeunes et, que La semaine verte, pour certains, est encore un rendez-vous qui se fait en famille la fin de semaine. Concernant les cotes d’écoute, nous avons maintenant deux diffusions à Radio-Canada, soit le samedi et le dimanche. Depuis une dizaine d’années, nous sommes diffusés dans deux créneaux différents, et nous rejoignons en moyenne 520 000 téléspectateurs pour les deux émissions mises ensemble. Quand nous ajoutons à cela la rediffusion à RDI, nous touchons alors 600 000 téléspectateurs. Nous avons effectué une recherche et, il y a une dizaine d’années, quand nous avions une seule diffusion le dimanche, notre cote d’écoute était d’environ 350 000 personnes. Donc, cela a été une bonne idée d’avoir deux créneaux. Nous trouvons que ces chiffres ne sont pas banals, car La semaine verte n’est pas diffusée durant la période qu’on pourrait appeler « Prime Time ». Il est évident que les gens changent leurs façons de consommer l’information. Ils ne se dirigent plus nécessairement de façon instinctive vers la télévision pour consommer leurs informations; les gens vont aller beaucoup plus sur Internet. Il y a aussi le fait que beaucoup de personnes nous suivent en différé. Elles vont regarder l’émission sur le site Web ou sur Tou.tv. Il est évident que ces nouvelles plateformes font partie d’une nouvelle réalité.


QUELLES DIFFÉRENCES MAJEURES REMARQUEZ-VOUS ENTRE LA GÉNÉRATION D’AGRICULTEURS ÉMERGENTE (RELÈVE DE MOINS DE 25 ANS) ET LES PRÉCÉDENTES ?

En premier lieu, si tu me le permets, je te parlerais de ce qui unit les agriculteurs, toutes générations confondues. Ce que je constate c’est que ces gens-là sont des passionnés. Il faut vraiment être fervent de ce mode de vie. Mais oui, je remarque des différences. J’ai l’impression qu’il est beaucoup plus difficile aujourd’hui de s’établir en agriculture. Nous avons abordé le sujet un peu plus tôt, les terres sont plus chères, les transferts non apparentés ne sont pas faciles, surtout dans les productions où les quotas sont élevés ou sous une gestion de l’offre. Il y a une chose que j’entends beaucoup de la part des plus jeunes, c’est que même s’ils sont passionnés par ce qu’ils font, ils veulent être un peu moins esclaves de la ferme comme leurs parents ou leurs grands-parents ont pu l’être. C’est important pour eux de s’accorder des moments de répit, d’avoir une vie en dehors de la ferme. La technologie est très intéressante dans ce sens, puisqu’elle les aide à garder un suivi sur le déroulement dans la ferme avec les robots, etc. La technologie c’est aussi les réseaux sociaux. Ils permettent aux agriculteurs de sortir de l’isolement. J’ai d’ailleurs effectué un reportage sur toutes ces communautés virtuelles qui se créent. Des agriculteurs qui discutent entre eux, cela crée des tribunes d’échanges très intéressantes, tel un réseau de soutien virtuel. C’est comme un accès à un réseau de formation continue en ligne, car les producteurs partagent leurs défis quotidiens.


COMMENT PERCEVEZ-VOUS L’IMPORTANCE DE LA SEMAINE VERTE POUR LE MONDE AGRICOLE, MAIS ÉGALEMENT POUR LES GENS EN GÉNÉRAL ?

Mon impression est que les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Ils sont de plus en plus curieux, ils veulent savoir comment sont produits les aliments qu’ils mangent. Ils aiment s’identifier aux produits qu’ils consomment. Cela permet de mieux comprendre le travail des producteurs et d’où proviennent les produits qui se retrouvent sur nos tablettes. Cela est très intéressant de s’identifier au fromager qui fabrique le fromage que tu sers sur la table. Il y a une fierté d’acheter local. Et, pour les producteurs, cela est aussi une fierté pour eux de parler et de partager ce qu’ils font. Il ne reste pas beaucoup de tribunes agricoles pour faire connaître et valoir le travail des agriculteurs. Alors, je pense qu’il est important que La semaine verte soit là pour eux, pour partager leur réalité de tous les jours.


QUELLES ONT ÉTÉ LES RAISONS POUR LESQUELLES VOUS AVEZ ACCEPTÉ L’ANIMATION DE LA SEMAINE VERTE ?

J’ai accepté ce poste pendant le congé de maternité de Catherine, mais cela fait dix ans que je travaille à La semaine verte, alors je commence à bien connaître l’émission. J’aime celle-ci tout particulièrement, c’est un choix que j’ai fait de venir travailler pour cette émission que j’aime beaucoup ! J’avais déjà plusieurs années d’animation en arrière de la cravate. J’ai déjà animé les bulletins d’informations à Radio-Canada et à RDI, alors c’était un petit peu naturel pour moi de faire le saut et de remplacer Catherine pendant son congé. Je trouve que cela est un beau défi et une responsabilité d’entrer dans le foyer des gens toutes les semaines, d’animer une émission aussi connue et aussi vieille que La semaine verte. En réalité, La semaine verte est l’émission d’affaires publiques la plus vieille de Radio-Canada. Je trouve que c’est un beau défi. De plus, je regardais moi-même cette émission plus jeune, alors je ne pouvais pas dire non, et je suis pas mal fière de pouvoir faire ce travail-là aujourd’hui.
 

ALLEZ-VOUS RESTER PARMI L’ÉQUIPE DE L’ÉMISSION AU RETOUR DE MME MERCIER ?

Eh bien oui, absolument ! (rire)
 

QUEL EST VOTRE LIEN AVEC LE MONDE AGRICOLE ?

L’agriculture et l’environnement m’intéressent beaucoup. Je n’ai pas grandi dans un milieu agricole, mais je suis, ce que nous pouvons appeler, un produit des régions. J’ai grandi dans la région de Mirabel. Moi, le drame des expropriés de Mirabel, j’ai suivi cela; j’ai grandi tout près. Je ne l’ai pas vécu personnellement, mais j’ai connu des gens près de moi qui ont été touchés par cette situation. J’ai des gens dans ma famille qui sont dans l’agriculture. Quand j’étais à RDI, à l’époque, j’ai fait beaucoup de terrain. Nous nous promenions partout à travers le Québec. J’ai découvert beaucoup de choses liées à l’agriculture, à la foresterie et aux pêches. Cela m’a toujours intéressée et fascinée, et quand l’occasion s’est présentée, j’ai fait le choix de poursuivre avec La semaine verte. Je ne l’ai jamais regretté. Je trouve qu’il y a tellement de sujets fascinants dans cet univers-là, et les gens qui y travaillent sont tout aussi intéressants.
 

VOS HABITUDES DE CONSOMMATION OU VOTRE MODE DE VIE ONT-ILS ÉTÉ INFLUENCÉS À LA SUITE DE L’ANIMATION DE L’ÉMISSION ?

À la base, étant une personne un peu gourmande (rire) j’ai toujours aimé découvrir les produits du terroir, alors cela a toujours été présent dans ma vie. Je pense que ce qui a changé est que je suis plus consciente que jamais lorsque je vais à l’épicerie ou faire mon marché. Je sais que je pose un geste politique, je fais un choix et j’encourage une agriculture de chez nous, des producteurs d’ici, et j’essaie de le faire le plus souvent possible. Chaque fois que je sors faire mon marché, je me dis qu’aujourd’hui je me dois d’avoir tant de dollars dans mon panier qui sont consacrés à des produits du Québec. Je trouve le tout extrêmement important. Ce qui est plaisant et agréable est de consommer un produit lorsque tu connais la personne qui est derrière. Pour ma part, on dirait que je respecte encore plus le produit que je consomme. Cela s’explique peut-être par le fait que je travaille à La semaine verte depuis plus de dix ans. J’aime aussi beaucoup aller encourager les producteurs maraîchers l’été, c’est un must. Même en grande surface, tu achètes des articles en plus grosse portion. Moi, si je vois une pièce de boeuf, si cela n’est pas du boeuf canadien, je ne l’achèterai pas. C’est vraiment un geste conscient que je pose. Ce n’est pas vrai que je vais aller acheter du boeuf estampillé USDA quand il y a une belle pièce de boeuf provenant du Canada, même si le prix peut être plus élevé. C’est un choix que je fais. Je préfère, et de loin, encourager les producteurs de chez nous. Et, je pense que depuis que je suis à La semaine verte, s’il y a une chose que je fais davantage, c’est la promotion des produits du Québec. Lorsque je reçois des invités à la maison, je privilégie de mettre sur ma table des produits de chez nous. Je connais de plus en plus les gens qui produisent ces produits-là, et j’aime ça aussi raconter à mes invités des histoires. Par exemple, la fois où j’ai rencontré tel producteur, comment cela se passe à sa ferme, etc. J’aime encourager les gens à aller rencontrer les producteurs. Je suis très fière de partager mes connaissances avec les gens que j’aime.
 

PENSEZ-VOUS QUE L’ÉMISSION DEMEURERA SUR LES ONDES PENDANT ENCORE PLUSIEURS ANNÉES ?

L’auditoire est au rendez-vous. Il est certain que pour une émission qui performe comme La semaine verte le fait, et qui a tout à fait sa raison d’être, et même plus que jamais, je ne vois vraiment pas pourquoi les dirigeants y mettraient fin.
 

AVEZ-VOUS DES REPORTERS À L’ÉTRANGER QUI SONT MANDATÉS POUR ALLER VOIR CE QUI SE PASSE AILLEURS DANS LE MONDE ?

Non, pas à l’étranger. Nous avons une équipe basée à Québec et des correspondants ailleurs au pays, dans l’Ouest canadien et dans les Maritimes, qui nous alimentent en reportages. Ils travaillent à la fois à La semaine verte et à Second regard. Ces personnes travaillent pour des émissions d’affaires publiques. Donc, leur mandat consiste à produire des reportages pour nous. Lorsque nous effectuons des dossiers à l’étranger, c’est une équipe d’ici, avec les journalistes de Québec ou d’ailleurs au pays, qui se rend sur le terrain où se déroule le sujet pour effectuer le reportage.

Restez à l’affût, d’autres entrevues sont prévues dans les prochains numéros de l’Agri-Nouvelles !

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