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Chronique des grains : phénomène inverse

Grains •

Phénomène inverse

Les derniers mois ont été riches en rebondissements. Nous avons vu les consommations de l’alimentation animale ralentir aux États-Unis suite au virus de la DEP et à la baisse des cheptels de bœufs et de volailles. Les marchés boursiers ont corrigé à la baisse et de nombreux producteurs de grandes cultures espéraient un raffermissement des prix qui ne s’est malheureusement pas concrétisé.

L’anticipation d’une excellente récolte aux États-Unis a mis une pression sur les marchés à terme alors que le peu d’offres des producteurs ont poussé les bases à la hausse. Plus nous avançons dans le temps, plus la fenêtre de commercialisation est mince et ces fortes bases seront difficiles à justifier. Ce phénomène inverse continue de s’intensifier alors que plusieurs intervenants se disent que moins les producteurs vendent, plus les stocks de report sont hauts et plus l’importation superflue due aux faibles volumes offerts localement a des chances de s’intensifier.

Autre phénomène, la disponibilité des wagons ainsi que la rapidité à laquelle les différents chemins de fer avaient l’habitude de les bouger a grandement diminué suite à la loi spéciale imposée en début d’année. Pour s’assurer de déplacer un volume maximal à chaque semaine, les compagnies ferroviaires se concentrent sur les ports d’exportation et sur les origines qui leur permettent de charger les plus longs trains possibles. Résultat, les temps de transit des autres envois sont plus incertains et le risque augmente, ce qui explique pourquoi les prix à court terme sont parfois plus élevés que les prix à moyen et long termes.
 

Ce qui s’en vient sur les marchés

Avec les récentes baisses de prix, nous remarquons une reprise des ventes à l’exportation, notamment de la fève et du tourteau de soya. Bien que la récolte s’annonce bonne, les ventes reflètent bien le fait que la Chine est en manque de protéines depuis qu’elle bloque la plupart des sous-produits de maïs en provenance des États-Unis à cause des OGM. Les drêches seront donc davantage disponibles pour le marché nord-américain. La récolte de blé de l’Ouest débute sur un stock de report élevé ce qui devrait maintenir des prix plus stables pour l’hiver. De nombreux sous-produits avaient trouvé leur place dans les recettes depuis les prix élevés de 2012 et s’ajusteront aux prix de grains pour conserver leur marché.
 

Évaluation de récolte – Tournée des Grandes Cultures 2014

Afin d’évaluer les rendements et la qualité des cultures de maïs et de fève soya, Agri-Marché a participé à la Tournée des Grandes Cultures organisée en septembre dernier. S’inspirant du Pro Farmer crop tour américain, l’idée derrière le concept était de prendre des échantillons un peu partout en Montérégie pour recréer un « champs géant » avec lequel nous pourrions prévoir les rendements et détecter d’éventuels problèmes. Au moment d’écrire ces lignes les résultats officiels de l’enquête n’étaient pas encore disponibles, mais les premiers constats pour la Montérégie ressortent tout de même. D’abord, nous remarquons que les superficies en fève soya sont plus importantes que prévues, ceci possiblement lié aux difficultés lors des semis ayant incité certains producteurs à changer leurs plans de culture. La majorité des champs affichent un retard par rapport à la normale ce qui rend encore les rendements incertains. Très peu de problèmes de sclérotinia ont été rencontrés dans les champs enquêtés.

Côté maïs, plusieurs superficies semblent avoir connu des carences minérales découlant probablement d’une fertilisation en pré-levée qui a été lessivée par les abondantes pluies du printemps. Les problèmes de moisissures sont plutôt rares et la majorité des épis n’étaient pas complets, mais cela n’affectera pas nécessairement le rendement final. Très peu de maladies à priori bien que la taille des épis soit variable d’un endroit à l’autre. Le maïs commençait à peine à denteler au début septembre ce qui le rend toujours à risque d’un gel hâtif. Selon les échantillons prélevés, le rendement moyen potentiel maximal pourrait être de 11,4 tonnes/ha. Ce rendement est très sommaire et pourra naturellement varier en fonction des imprévus climatiques d’ici la fin de la saison, mais l’idée à ce stade est d’avancer des chiffres préliminaires qui seront comparés entres eux d’une année à l’autre.

Nous pouvons donc anticiper une récolte plutôt tardive avec une quantité de maïs moins importante que l’an dernier au niveau provincial. Bien que certaines régions connaîtront une très bonne production, le marché devrait quand même suivre les valeurs d’importation jusqu’au printemps. Moins de superficies que prévues et moins de rendements dans certaines régions pousseront vers plus d’entreposage et donc moins de fluidité dans le marché.

Dans la région de Québec-Beauce, les petites céréales ont fait leur entrée. L’orge est de bonne qualité mais les volumes sont faibles de par le peu de superficies ensemencées. Le blé, quant à lui, montre des niveaux de protéines oscillant entre 12 et 14,5 % avec près de 85 % des lots qui se retrouvent sous le seuil de 2 ppm en vomitoxines. Cela nous permet de valoriser ce blé pratiquement au même prix que celui d’alimentation humaine avec beaucoup moins de risques de déclassement. Côté avoine, nous remarquons des rendements plutôt faibles et une couleur grisâtre sur la majorité des lots reçus jusqu’à présent.

Agri-Marché poursuivra donc son évaluation de récolte en fonction des différents échantillons analysés et sera en mesure de dresser un meilleur portrait au cours des prochaines semaines. L’impact du rendement a une incidence sur les bases locales, mais ce que nous surveillons davantage sera la qualité du grain afin d’éviter les débalancements et maximiser la performance des moulées. Les prix devraient demeurer plus stables que ce que nous avons connu depuis 2012, mais cela ne signifie pas qu’il faille demeurer passif. Au contraire, lorsque les prix sont bas, les consommations augmentent et les producteurs de grandes cultures réduisent leurs superficies pour se lancer vers une autre culture plus intéressante. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas, surtout pas dans le monde des commodités.

Sébastien Lavoie, agr.
DIRECTEUR COMMERCIALISATION DES GRAINS AGRI-MARCHÉ INC.

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