L’aspergillose est-ce que vous sauriez la reconnaître ?
Volaille •
Mise en contexte : l’idée de présenter ce sujet provient du fait que cet automne, j’ai personnellement observé plusieurs cas d’aspergillose en élevage (poulets et dindes, débutant vers 3-4 semaines d’âge... et parfois même quelques jours avant l’abattage). Outre ces cas observés, plusieurs producteurs ont également été contactés par leur
abattoir afin de les informer que leurs oiseaux présentaient des lésions compatibles avec de l’aspergillose. Et ce qui est le plus surprenant, c’est que les cas sont apparus sur une période relativement courte (quelques semaines) et ce, dans différentes régions du Québec. À première vue, il ne semble pas y avoir de lien avec les différents fournisseurs (poussins, moulée, litière,
). Qu’est-ce qui peut donc expliquer ce phénomène... je n’ai pas la réponse. Quelques hypothèses : été très chaud et sec suivi de quelques pluies intenses, vents forts, début des récoltes? Néanmoins, étant donné que cette condition est relativement rare en temps normal, voici son portrait afin de vous aider à la reconnaître si jamais elle survenait chez vous.
L’aspergillose est définie comme étant une maladie causée par un champignon appartenant au genre Aspergillus. Bien que ce genre soit composé d’un peu plus de 600 espèces, en pratique, les espèces de champignons les plus communément rencontrées dans notre secteur sont A. fumigatus et A. flavus.
Ces champignons sont ubiquitaires, c’est-à-dire communément retrouvés un peu partout dans l’environnement (sol, grains, plantes en décomposition ... et probablement en petite quantité, même dans votre maison)! Donc, attention si vous avez l’idée de faire analyser des échantillons ! Autrement dit, un résultat positif ne veut rien dire, ça prend des analyses quantitatives.
L’aspergillose est une condition pouvant être rencontrée chez à peu près tous les types d’élevage domestiques. Donc, le secteur avicole n’y fait pas exception (poulet, dinde, canard...). Chez la volaille, l’atteinte est principalement respiratoire. Typiquement, nous observons deux types de présentation : une forme aigüe, caractérisée par une forte mortalité (allant jusqu’à 40 %) et une forte morbidité (proportion élevée d’oiseaux présentant des signes cliniques). Cette forme est principalement observée chez les oiseaux en jeune âge. De l’autre côté, une forme plus chronique, avec une mortalité et une morbidité plus faible (environ 2 % de morts/sélections), est rencontrée chez les oiseaux plus vieux (ce qui a été observé cet automne). La morbidité peut à l’occasion être sous-évaluée chez les oiseaux atteints en fin d’élevage. Autrement dit, il est possible de n’avoir observé aucun signe clinique évident avant la sortie des oiseaux, mais à l’abattoir, des lésions au niveau pulmonaire peuvent déjà être bien apparentes.
Point de vue transmission de la maladie, l’aspergillose n’est pas reconnue comme étant une maladie contagieuse. Autrement dit, les oiseaux malades n’infecteront pas les autres oiseaux sains qui les entourent. L’infection se produira suite à une exposition environnementale aux spores. Par exemple, les manipulations du sol, des grains ou tout ce qui peut engendrer la production de poussière et la mise en aérosol des spores pourra conduire à une exposition des voies respiratoires à ces spores, et ainsi produire la maladie.
Heureusement pour le producteur, l’aspergillose n’est pas reconnue comme étant une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmissible des animaux aux humains. Donc, à moins d’être atteint d’une maladie immunosuppressive, il n’y a aucun risque de contracter cette maladie suite à un épisode dans votre élevage. Par contre, une exposition fréquente à ce champignon pourrait entraîner des réactions de type allergique.
Chez la volaille, les signes cliniques associés à l’aspergillose sont parfois assez évocateurs, mais ils peuvent également être relativement discrets et ce, même si des lésions internes sévères sont observées lors des nécropsies. En général, nous observerons des difficultés respiratoires, ouverture du bec lors de l’inspiration, oiseaux amorphes, émaciés, ainsi que la mortalité tel que mentionné précédemment. Dans de rares cas, il est également possible d’observer des signes nerveux (atteinte au niveau du cerveau).
Au niveau interne, nous retrouvons généralement au départ une pneumonie nodulaire : petits nodules blancs, environ la taille d’une tête d’épingle. Par la suite, les lésions peuvent évoluer vers des nodules plus apparents et présents sur les viscères et les sacs aériens. Attention de ne pas confondre avec des lésions pouvant être associées aux maladies respiratoires chroniques (communément appelé le E. coli). (Voir photo)
Lorsque nous sommes aux prises avec un cas d’aspergillose, quelles sont nos options thérapeutiques ? Malheureusement, pour cette condition, les traitements sont pratiquement illusoires. Nous ne possédons pas de médicaments antifongiques pouvant être administrés aux oiseaux atteints. En pratique, certains parleront de l’utilisation d’iodure de potassium . . . mais son efficacité est mitigée. Le plus efficace demeure la sélection des oiseaux atteints, et d’attendre que l’épisode se termine de lui-même. En général, les épisodes durent environ 2 semaines. Autre point à mentionner; aucun vaccin n’est disponible pour cette condition.
Pour conclure, disons que les cas observés récemment étaient probablement atypiques, c’est-à-dire qu’il est difficile d’expliquer l’apparition soudaine de plusieurs cas, sur une courte période, et dans différentes régions, donc sans cause commune évidente. Par contre, rappelons-nous que ces champignons aiment bien l’humidité, donc attention aux litières humides (entreposage, dégât d’eau en élevage,...) et au taux élevé d’humidité dans les bâtiments.
Dr Simon Cloutier, m.v., M. Sc.
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